Mois : juin 2020

Lu – Bienvenue à Sturkeyville – Bob Leman (Scylla) Imaginaire

Lu – Bienvenue à Sturkeyville – Bob Leman (Scylla)

Traduit par Nathalie Serval. Très belle histoire que celle de cet ouvrage. Un auteur américain oublié qui refait surface grâce aux souvenirs d'un lecteur transmis à la librairie et maison d'édition Scylla. Après un financement participatif, voici 6 des 15 nouvelles existantes de Bob Leman de nouveau disponibles dans une toute nouvelle traduction, parfaitement mise en valeur par la couverture de Stéphane Perger et les illustrations intérieures de Arnaud S. Maniak, le tout porté par les talents de maquettiste de Laure Afchain. Ces 6 nouvelles fantastiques prennent place dans la ville fictive de Sturkeyville, petit bourg hors du temps et, semble-t-il, de la civilisation, situé aux pieds des Appalaches américaines. Sinistre, intrigante et secrète, Sturkeyville n'a rien d'une destination de carte postale et on y croisera une foule de créatures manipulatrices et dangereuses... Je n'avais jamais entendu parlé de Bob Leman avant cette aventure. J'en sors convaincue qu'il s'agit d'un très bon novelliste. Sur des thèmes assez classiques du fantastique, il a su faire d'originales propositions, se servant des codes de certains genre pour les renouveler. Loin des clichés, son travail est des plus singulier ! L'impression générale qui se dégage de cet ouvrage est avant tout un certain accablement porté par des dénouements manquant souvent d'espoir. Il semble impossible de sortir indemne de Sturkeyville... Étayés par une plume claire et dynamique au pouvoir évocateur plus qu'avéré, les personnages de Leman prennent vie avec une incroyable facilité. Cette visite de Sturkeyville m'a procuré quelques bon moments de frissons et m'a laissé une impression douce-amer assez appréciable... je t'invite donc à ton tour au voyage... Ce que j'ai écouté pendant ma lecture :- Ummagumma de Pink Floyd- Hergest Ridge de Mike Oldfield…
Lu – Du champagne, un cadavre et des putes, tome 1 – Tristan-Edern Vaquette Lectures

Lu – Du champagne, un cadavre et des putes, tome 1 – Tristan-Edern Vaquette

Je ne connaissais pas Tristan-Edern Vaquette avant de voir passer une référence à son travail dans mon fil d'actualité. Cela vexe un peu quand on se vante d'être curieuse, mais que veux-tu, nul n'est parfait, les méandres artistiques sont si vastes et polymorphes... J'ai presque regretté un temps d'être allé à la découverte de son travail en vidéo, cela ayant forcément influencé mes attentes envers cet ouvrage, mais un temps seulement, l'homme est diablement passionnant. Je ne te ferai donc pas sa biographie ici, elle est facilement trouvable en ligne. Assez parlé de l'auteur, parlons du livre. Il s'agit du premier tome d'une œuvre aux dimensions colossales, prévue en 4 tomes. Cet opus a pour point de départ la mort d'Alice, une jeune femme dont on apprend dès les premières lignes qu'elle était prostituée. Chargé de l'enquête, le commandant Lespalettes met rapidement la main sur son journal intime, et décide alors de retracer la vie de cette écorchée vive, afin de comprendre ce qui a pu la mener à sa perte. Du champagne, un cadavre et des putes commence comme un polar classique, voir assez léger, rempli de personnages grossiers, pour s'épaissir au fil des pages et virer au roman social noir. On comprend alors qu'ici se dressent les véritables enjeux du récit. Rien n'est doux dans ce livre, ni l'histoire d'Alice, ni les multiples protagonistes issus de ses errances. Son parcours permet de dresser un portrait sans concession du déterminisme social, et seront abordés tour à tour de multiples moyens d'oppression systémiques cachés sous les beaux discours d'infinis ordures, parfois étouffés de cynisme et souvent instruments ignorants d'une entreprise plus vaste. Souvent pamphlétaire, parfaitement argumenté, ce roman ne fait aucun compromis, et l'auteur y dresse avec l'absolue finesse de son éloquence l'un des plus beaux portraits de femme que j'aie lus. A travers son journal, on découvrira la rage d'Alice de vivre autre chose. Son refus d'accepter ce dont bien d'autres se contenteraient, son envie d'absolue liberté, sa volonté de faire fi des concessions pour se forger un destin. Avec toute la maladresse des grands passionnés, pour le meilleur et surtout pour le pire, au fil de son histoire, on sentira poindre l'éveil de ses convictions. Certains paragraphes cueillent comme un coup de poing dans le bide, faisant remonter l'amertume de la bile dans la bouche. C'est une histoire violente comme la vie, tragique comme le monde, et elle donne envie d'embrasser désespérément l’existence avec rage et passion. Une fin abrupte me fait grandement désirer la suite, qui devrait se dévoiler avant la fin de l'année, si la fin du monde n'a pas lieu d'ici là... Ce que j'ai écouté pendant ma lecture: - L'OST de Suspiria, signée Goblin- Spiral 1 & Japan, de Karlheinz Stockhausen- L'opéra Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti…
Lu – Ubik, le scénario – Philip K. Dick (Les moutons électriques) Imaginaire

Lu – Ubik, le scénario – Philip K. Dick (Les moutons électriques)

Traduit par Sabrina Calvo & Sophie Dabat. Un livre atypique trouvé dans une librairie atypique (la librairie Le bal des ardents, à Lyon, que je te conseille vraiment) ! Ce scénario a donc été écrit par Philip K. Dick lui-même à partir de l'une de ses œuvres majeures à la demande d'un réalisateur français (Jean-Pierre Gorin) en 1974. Le projet d'adaptation cinématographique ne sera cependant jamais mené à bout, et le scénario restera tel quel. C'est une expérience assez particulière que cette lecture. Ce fut comme redécouvrir Ubik à travers un prisme légèrement déformant. Ubik conte l'histoire de Joe Chip, un être doté de pouvoirs psychiques lui permettant de contrer les télépathes, travaillant pour une société dirigée par Glen Rucinter. Il est envoyé au sein de son équipe dans une base lunaire où ils échapperont de peu à un attentat qui prendra tout de même la vie de Rucinter. Revenant sur Terre afin de placer ce dernier en état de semi-vie, ils seront bientôt victimes de graves altérations de la réalité. Ubik est une œuvre assez fascinante, poussant le lecteur au bord de ses perceptions, brouillant les cartes de la réalité et piégeant son intuition dans un univers dégradé. La réinvention de cette histoire sous forme de scénario en rend la lecture encore plus sensorielle, guidant un peu plus l'imagination. On y retrouve la patte de Philip K. Dick, sa volonté presque jubilatoire de faire disparaître les repères afin de nous entraîner dans la confusion la plus totale. Cette adaptation ne cède aucunement la complexité de l'œuvre et il est tout de même difficile d'imaginer qu'elle ait pu être tournée telle quelle, elle est cependant fascinante à lire. Ce que j'ai écouté pendant ma lecture : - L'album Paradis retrouvé de Christophe…
Lu – L’œil de chat – Roger Zelazny (Denoël) Imaginaire

Lu – L’œil de chat – Roger Zelazny (Denoël)

Traduit par Luc Carissimo. Je ne te ferai pas l'affront de te présenter encore une fois Roger Zelazny, et ce qu'il représente pour moi, je t'en ai déjà parlé. Cependant, je suis loin d'avoir lu tous ses ouvrages et c'est pourquoi ce livre a attiré mon œil (c'est le cas de le dire) lors d'un passage en librairie d'occasion. L'œil de chat est un court roman se déroulant dans un futur quelconque et narrant l'histoire de Billy Singer, un chasseur d'origine Navaro. Plus grand traqueur de son temps, ses missions et les voyages cosmiques qu'elles ont engendrés ont modifié le cours de son temps et le voilà dernier survivant de son peuple. Appelé à l'aide par le gouvernement, il est chargé de neutraliser une terroriste et, pour le seconder, fait appel à un être télépathe et métamorphe qu'il a jadis traqué et fait enfermer dans le zoo de San Diego. Il ne tarde pas à se retrouver à la merci de ce dernier. L'œil de chat est un roman atypique dans sa forme, une longue litanie enchaînant les changements de points de vue, les descriptions de visions, les légendes et une intrigue laissant la part belle à l'introspection. Car si l'histoire conte une traque, l'enjeu majeur est celui du personnage principal, qui se retrouve perdu à un carrefour dans son existence, et aura le choix. Dans ce roman, l'auteur fait mouche en abordant des thèmes très humains : le déracinement, le renoncement, la fatigue de vivre, le mal être et la culpabilité. Singer est au tournant d'une vie qui ne semble plus vouloir de lui et parait déchiré entre l'envie d'en finir, une solution simple, et celle plus complexe et douloureuse d'aller puiser au fond de lui et des croyances de son peuple et d'affronter son chindi, son "mauvais génie". J'ai trouvé ce livre bouleversant. Il fait partie de cette catégorie si particulière, rare, et chère à mon cœur de ceux qui se servent du fantastique comme le plus parfait des médium pour parler de ce qui fait l'essence d'un être. Ce livre ce n'est pas simplement une histoire, c'est une introspection, beaucoup plus poussée que celle, déjà intéressante, esquissée par l'auteur dans 24 vues du mont Fuji par Hokusai. Il a en plus l'avantage de plonger profondément son lecteur au cœur des légendes Navajos, ce qui est des plus original. On pourra être dérouté par la structure du livre, car il n'en a pas vraiment. Le récit n'est pas organisé mais est constitué d'un ensemble de morceaux de récits, alternant les protagonistes et retours en arrière, dialogues, extraits de communications, chansons... Oui, l'œil du chat est un roman parfois difficile d'accès (surtout au début), oui, il cherche à embrouiller le lecteur et oui, je pense que le procédé est parfait pour se mettre dans l'état d'esprit adéquat pour recevoir l'essence même du récit.…